Tiré des archives d'Elthoras
L'eau est toujours source de vie. Il paraît donc normal, d'une logique irrécusable, que les sages druides considérent les sources comme une nécessité vitale, d'où leur respect et leur enseignement. Mais le plus étrange est cette connotation toujours liée à des origines équestres. Ainsi ces sources miraculeuses ne tireraient pas moins leur pouvoir de la terre que de chevaux mystérieux aux profonds pouvoirs. Et nos ethnologues, qui veulent se donner des certitudes, ont conclu peut-être exagérément que ces amis des forêts sacralisent les sources. En somme, ils auraient presque raison avec quelques nuances. Prenons quelques exemples :
-Sacrées, les sources du Hérisson, qui coulent au long de la désolation et prennent naissance dans les feuillages du marais pourissant, le sont. La preuve en est donnée par cette histoire de cavalier que l'on dit armé, casqué, chevauchant dans son ciel nocturne, errant quelquefois tristement dans la forêt du marais pourrissant. A ses côtés, son cheval à la crinière flamboyante et à la robe blanche pour être mieux vu de nuit. Ce cheval dont les origines restent à toujours liées à l'histoire de son palfrenier. Monture et cavalier sont couverts de sang, car ils moururent sous l'assaut d'une armée de chats noirs en sabbat, envoyés par de maléfiques sorcières.
-Sacrée, la source de la Roche qui dévale les pentes de la montagne aux géants. Un cheval blanc la hante également, qui vole vers le haut de la montagne sitôt qu'on l'aperçoit. Ce cheval dont l'existence plus qu'incertaine serait liée à celle des volcans et dont l'on dit que de la terre et du feu dont il naquit, il offre la clairvoyance dans l'eau. Comme tant d'autres, la source miraculeuse guérit les fièvres. Le nom des deux villages fusionnés de Faeruln se traduit par Fons Runae : fontaine de la Roche, nom autrefois porté par les druides et les prêtresses de l'île barbe.
-Magique, la Source-Ronde aux alentoures du donjon. Elle coule par intermittence parce qu'une moitié de cheval invisible vient y boire plusieurs fois par jour. Larmaury des Jouxt était un fameux cavalier et passait son temps à galoper sur tous les chemins de son domaine. Un jour qu'il s'élançait fougueusement hors de chateauvif,
La herse tombe et de la lourde masse,
frappant soudain le destrier qui passe,
le coupa en deux,
Lui, laissant là ses jambes de derrière,
Sur son devant s'élance en la carrière,
Toujours fougueux ...
Fameux cheval ! Mais tout de même, son état lui procure une soif intense et il s'arrête à la source de la Combe qui est celle qui tourne autour du donjon, il boit sans parvenir à se désaltérer. Larmaury s'énerve, il éperonne, cravache en vain, et finalement saute à terre pour tirer sa monture par la bride. Il aperçoit alors son cheval réduit de moitié, et l'eau qui s'échappe inutilement de l'énorme blessure. Il s'enfuit pour conter l'incroyable aventure, on accourt pour voir le prodige, mais l'esprit de la fontaine avait déjà rendu le cheval invisible pour le soustraire à la vilaine curiosité.
Cent fois le jour la cavale fumante,
Pour apaiser la soif qui la tourmente,
Tarit les flots.
L'onde renaît, lorsque désaltérée,
La jument fait retentir la contrée,
Sous ses sabots.
(Tiré des archives de Demesmay)
-A Sombreville, on parle d'un autre cheval, connu jusqu'aux contrées voisines. On lui a curieusement donné le nom Espérance, et cela ne s'explique guère puisque ce cheval-là vient de l'enfer.
On le voyait autrefois, en 1368, dans le cimetière de Faeruln, toujours la nuit. Il semblait si beau, noir et luisant, fin et puissant, qu'une maîtresse fille décida de s'approprier cette bête magnifique qui n'appartenait à personne. Elle l'approcha sans difficulté, monta à cru en toute tranquillité, et la monture et sa cavalière évoluèrent avec autant d'aisance que s'ils avaient fait cela toute leur vie. Ils se retrouvèrent ainsi, tout naturellement, sur la rive de la Loue, aux alentours de Villasecca. Alors, brusquement, hérissant son poil et crachant le feu, le cheval de l'enfer se précipita dans les flots et disparut au plus fort du courant. La pauvre fille se débattit avec rage, appelant à l'aide, des témoins lui jetèrent des perches et des cordes, et elle parvint à se sauver, épuisée de fatigue. Elle était sauvée. Pour peu de temps, car elle mourut quelques jours après de son épouvante.
Oui mes amis! Si les chevaux sont pour la plupart de simples animaux domptés dont on se sert à des fins pratiques, il en existe de plus anciens qui se terrent là, quelque part dans les profondeurs ou les cieux et qui n'attendent que celui qui pourra ainsi les débusquer.